Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de la Grande Démission, ce phénomène de départs massifs des salariés qui touche les États-Unis depuis la pandémie.
Souvent attribué à un claquement de porte contestataire massif, notamment au nom des luttes sociales et écologiques et de la quête de sens, le phénomène cache une réalité plus nuancée.
Beaucoup de ces démissionnaires sont avant tout partis pour aller chercher une herbe plus verte ailleurs - des conditions de travail plus attractives, des horaires moins contraignants, un quotidien plus serein. Rien de bien nouveau, finalement, si ce n’est que l’état actuel du marché du travail a rendu les vents favorables pour certains profils aux compétences recherchées. En France, selon certaines études, seuls 10% des employés quitteraient leur emploi pour obtenir une meilleure rémunération.
Les autres partent parce qu’ils ne s’y retrouvent plus, parce que « le jeu n’en vaut plus la chandelle ». Pour certains, c’est la pression et la charge de travail qui n’est plus supportable. Pour d’autres, c’est l’incompatibilité entre leur vie professionnelle et leurs contraintes et envies personnelles. Pour d’autres encore, ce sont les relations, avec un collègue, un manager, qui sont devenues conflictuelles voire toxiques au point de saper l’envie d’aller travailler. Certains s’ennuient, d’autres stagnent, et d’autres encore aspirent à davantage de sens, ou d’impact.
L’éventail des motifs de départ des collaborateurs est multiple. Beaucoup ont pris une dimension nouvelle avec le contexte actuel de crise sanitaire, économique, sociale et écologique.
La Grande Démission américaine a-t-elle atteint la France ? Pas exactement.
Si on ne peut transposer le phénomène, il semble néanmoins évident que l’attrition et, par là-même, la rétention des collaborateurs présentent un défi majeur et prioritaire pour les RH. Chez Bloomr Impulse, nous en avons chaque jour la confirmation en échangeant avec eux.
Comment s’explique cette attrition ?
L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée constitue de loin la première des priorités des cadres (étude SECAFI / Ugict-CGT, 2021).
Depuis la pandémie, on constate une évolution dans les attentes et exigences des collaborateurs en matière de conditions de travail et de QVT. Certains éléments du contrat ont ainsi pris une ampleur nouvelle.
C’est, en particulier, le cas de la flexibilité du temps de travail et, avec elle, des possibilités de télétravail ou, pour le dire plus largement, du fameux équilibre vie pro - vie perso. D’ailleurs, ce dernier arrive en pole position dans le top 4 des attentes prioritaires des salariés en matière de QVT, juste devant le salaire et les primes. Les bonnes relations au travail arrivent en troisième et la reconnaissance, en quatrième.
La crise sanitaire a accéléré voire forcé l’adoption de nouvelles pratiques, qui se sont finalement avérées, en partie au moins, avantageuses pour un bon nombre de collaborateurs qui refusent de se voir imposer un retour en arrière.
Un rapport du cabinet Forrester portant sur les tendances 2022 en termes d’Expérience Collaborateur prévient ainsi qu’une absence de flexibilité est une source de fuite de talents, rejoignant d’autres études récentes partageant ce constat.
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Rapprochement familial, mutation de la conjointe, désir, tout simplement, de changer de décor, beaucoup partent suite à des changements dans leur vie personnelle. Si le télétravail peut aider à garder ces collaborateurs, il n’est pas toujours possible, et le départ est parfois inéluctable.
Rien de nouveau à cela, mais la crise sanitaire, en poussant bon nombre d’entre nous à interroger nos envies, nos aspirations et nos projets de vie, a probablement donné une audace particulière à certain.e.s pour sauter le pas et opérer des changements de vie.
Parmi les motifs remarquables de démission, il y en a un bien moins réjouissant : beaucoup de personnes quittent leur emploi parce qu’elles n’en peuvent plus. Trop de pression, de stress, de charge de travail. Arrive un moment, lorsque cela dure et qu’on n’entrevoit aucune perspective d'amélioration, où partir semble être la seule issue possible.
A cet égard, la crise sanitaire, qui a eu des effets palpables sur la santé mentale et le moral de beaucoup de personnes, a sérieusement accentué le phénomène.
En mai 2021, le 7e Baromètre « Impact de la crise sanitaire sur la santé psychologique des salariés » OpinionWay pour Empreinte Humaine, réalisée auprès de 2000 salariés, faisait état d’un bond spectaculaire des salariés en situation de burnout sévère, dont le nombre avait doublé en un an pour atteindre 2 000 000 de salariés.
En mars 2022, la 9ème vague de ce même baromètre confirmait la tendance alarmante :
Autre chiffre marquant, 4 salariés sur 10 affirmaient avoir perdu confiance envers la direction générale de leur entreprise et 6 sur 10 pensaient que leur direction ne mesurait pas l’état psychologique de leurs salariés et n’agissait pas en fonction.
“On ne quitte pas une entreprise, on quitte un manager”, dit-on.
On le constate régulièrement chez Bloomr Impulse : la relation avec les collègues, et en particulier avec la hiérarchie, pèse considérablement sur le bien-être au travail. Pour le dire autrement, une relation tendue, conflictuelle voire toxique sur le lieu de travail peut être un motif suffisant de départ lorsqu’aucune autre solution ne semble possible.
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La culture du micro-management, d’un management trop directif, ou trop contrôlant, est de plus en plus décriée et rejetée par les collaborateurs.
A la place, ils réclament une culture du dialogue, du feedback, de l’écoute et de la collaboration d’égal à égal, bien plus propice à l’épanouissement et au développement de chacun.e.
Cela rejoint le besoin fort et affiché de reconnaissance. 66% des salariés déclarent ainsi qu'ils pourraient quitter leur emploi s'ils ne se sentaient pas reconnus à leur juste valeur. Or, selon un sondage Gallup, 65% des collaborateurs se sentent sous-reconnus au travail. Conséquence : perte de motivation, désengagement, et, parfois, démission.
Derrière le besoin de reconnaissance, on retrouve une revendication qui va au-delà du salaire ou de la promotion. Les salariés demandent à être valorisés dans toute leur singularité. L’adoption de bonnes pratiques simples peut déjà contribuer considérablement au sentiment de reconnaissance : instaurer une culture du feedback constructif, favoriser le partage de décisions, responsabiliser et donner de l’autonomie…
Et gare au « greatwashing » (l’affichage par l’entreprise de valeurs très éloignées de ce qui se joue réellement en interne) qui risque d’entamer sérieusement la marque employeur et la capacité de rétention de l’entreprise !
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« En France, 46 % des employés déclarent que le manque d’opportunités de développement personnel est une raison valable pour rechercher un emploi ailleurs, dans une entreprise qui investit dans ce domaine. » - Le talent management en France, rapport goodhabitz, 2022
Justement, 16% des sondés jugent ces opportunités insuffisantes dans leur entreprise. 58% d’entre eux se disent insatisfaits des opportunités dont ils bénéficient pour monter en compétences.
Ainsi, un certain nombre de salariés qui quittent l’entreprise partent chercher ailleurs des opportunités de développement professionnel que leur employeur n’est pas en mesure de leur offrir.
Il ne s’agit pas ici, uniquement, de gravir les échelons hiérarchiques, bien que des perspectives d’évolution floues peuvent dissuader de rester. Il s’agit de se sentir stimulé·e et motivé·e par ses tâches et sa mission, non seulement pour éprouver de la satisfaction au travail, mais aussi pour cultiver sa confiance en soi. Se sentir stagner, avoir le sentiment de sous-utiliser ses capacités et ses compétences, peut rapidement entamer la confiance en soi.
Les salariés ressentent le besoin de se former, de cultiver leurs compétences et d’en développer régulièrement de nouvelles.
Une culture de l’apprentissage continu est un facteur important de rétention des salariés.
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Parmi les facteurs de démission, mention spéciale à la quête de sens, régulièrement évoquée comme motif déterminant de départ.
Bien qu’on en parle beaucoup, la question du sens est délicate.
En effet, pour certains, le manque de reconnaissance, de perspective d’évolution, ou l’ennui peuvent être à l’origine du manque de sens.
Pour d’autres, derrière le manque de sens se cache le sentiment d’inutilité et le désir d’avoir davantage d’impact. Les convictions personnelles des collaborateurs peuvent ainsi les inciter à quitter l’entreprise par respect pour leurs propres valeurs. C’est particulièrement visible chez certains jeunes qui, face aux enjeux sociologiques et écologiques, affirment haut et fort refuser de travailler pour certaines entreprises.
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Le dénominateur commun entre ce kaléidoscope de motifs, c’est qu’ils sont des marqueurs d’évolutions profondes des attentes des collaborateurs, du rapport au travail et de l’attachement aux entreprises.
Selon les travaux de Lucie Davoine et Dominique Méda, la place du travail dans la vie des salariés a profondément changé en 20 ans.
Ainsi, si 70% des Français déclaraient que le travail était important dans leur vie en 1999, ils ne sont plus que 19% aujourd’hui.
En 2002 : 43,2% des Français estiment très important la sécurité de l’emploi. Ils ne sont plus que 29% en 2022.
La pandémie a indéniablement servi de catalyseur à ces bouleversements, souvent attribués à la génération Y/Z, mais en réalité symptomatique d’un contexte qui pousse à questionner son rapport au travail, au temps, son mode de vie, son modèle de réussite…
Ces mouvements de fond jouent sur la capacité des entreprises à attirer et retenir les talents.
Ce qui est tout aussi intéressant que délicat, c’est que les facteurs de bien-être au travail ne sont pas les mêmes pour tous, et les changements dans les attentes des salariés portent, justement, beaucoup sur l’individualisation dans la prise en compte des besoins.
Un défi complexe à relever, dans la mesure où il ne s’agit pas uniquement de changer quelques règles en place. C’est toute la culture de l’entreprise, les croyances sur lesquelles elle repose, et les pratiques, parfois bien ancrées, qu’il s’agit de questionner.
Il est probable, par ailleurs, que la tendance à changer plus souvent d’emplois perdure. On constate ainsi que les actifs se projettent moins longtemps dans une entreprise lors d’une prise de poste. C’est une réaction, aussi, à la réalité du marché du travail qui n’offre plus les garanties de jadis.
Pour les RH, il ne s’agit donc pas uniquement de penser des stratégies de rétention des collaborateurs, mais de parvenir, aussi, à gérer ces bouleversements en termes de turnover et à adapter en fonction les pratiques autour de l’expérience collaborateur, de l’accompagnement, du recrutement, etc.
Chez Bloomr Impulse, nous croyons à la formation individuelle pour accompagner les RH dans ces défis et répondre à ce besoin d’individualisation.
Nous accompagnons le développement professionnel des collaborateurs en entreprise, via des formations en ligne rythmés par des séances individuelles avec des coachs certifiés sur les thématiques de bien-être au travail.
Nos 4 grandes thématiques : management, développement des soft skills, bien-être au travail, et gestion des carrières.